TH3: Chapitre 14 : La Négociation et l’Exécution des Contrats entre Professionnels

1. La Préparation du Contrat par la Négociation
A. La Préparation du Contrat Par la Négociation
Tous les contrats ne se concluent pas en un seul moment. L’accord des parties se prépare parfois au cours d’un processus plus ou moins long de négociation. Les enjeux peuvent en effet être très importants, comme pour certains contrats d’équipement industriel (achat d’avions, de matériel de forage pétrolier...) ou d’approvisionnement sur le long terme (achat de matières premières, d’énergie...), les fusions d’entreprises ou encore les contrats de grands travaux (route, barrage...). L’équilibre du contrat et la perfection de l’accord des parties reposent fréquemment sur les discussions qui ont précédé leur engagement définitif. Dans les contrats entre professionnels, il faut préparer les conditions essentielles de l’accord contractuel (prix, délais de livraison, services annexes...) au cours d’une négociation qui peut passer par diverses phases : pourparlers, promesse de contrat unilatérale et/ou synallagmatique.
Du point de vue juridique, ces étapes ne se confondent pas car leur portée est différente. Deux principes dominent cependant dans cette période précontractuelle : la liberté – plus ou moins affirmée – de rompre les négociations et la bonne foi dont les parties doivent faire preuve.

B. La volonté des parties au contrat
1. Le Principe : La Liberté de Rompre
Les pourparlers constituent une phase de négociation précédant un accord définitif. Les parties sont libres de mener à terme les discussions ou de les rompre sans avoir conclu de contrat. Aucun engagement ne pèse sur elles et il leur est permis de mener de front des pourparlers avec plusieurs cocontractants potentiels. La comparaison des offres, l’abandon du projet est autant de motifs valables pour interrompre la négociation.

2. La Sanction des comportements fautifs
La jurisprudence exige des personnes en pourparlers qu’elles soient de bonne foi. La rupture de la négociation est sanctionnée si elle survient avec la volonté de nuire au partenaire ; c’est notamment le cas si la rupture fait suite à des pourparlers qui visaient seulement à accéder à des renseignements sur une entreprise avec laquelle on n’a jamais eu l’intention réelle de contracter, ou encore si les pourparlers ont été menés pour faire perdre du temps à l’autre.
Les juges sanctionnent également la rupture qui intervient de mauvaise foi ou même simplement avec une légèreté blâmable : c’est le cas lorsque l’interruption d’une négociation très avancée se fait brutalement. La responsabilité encourue, de type délictuel (il n’y a pas encore de contrat), donne lieu à l’attribution de dommages-intérêts au profit de celui qui subit la rupture fautive.

C. Les Avant-Contrats
La négociation d’un contrat peut passer par l’étape d’un avant-contrat, qui consiste dans un engagement de l’une des parties, ou des deux, de mener à terme le projet contractuel. À la différence des pourparlers, les avant-contrats sont en eux-mêmes des contrats : précédant le contrat définitif, ils n’en sont pas moins générateurs d’obligations spécifiques, la principale étant celle de conclure le contrat définitif.

1. La Promesse Unilatérale de Contrat
La promesse unilatérale de contrat est une convention par laquelle une personne (le promettant) s’engage à conclure un contrat avec une autre personne (le bénéficiaire) qui accepte cette offre. Le prix, la date de livraison, les conditions générales et particulières du contrat définitif sont réglées. Cette promesse est plus qu’une offre : il s’agit d’un contrat, né de la rencontre de deux volontés, mais d’un contrat unilatéral faisant naître des obligations seulement à la charge du promettant. Le bénéficiaire se voit offrir une option et il dispose d’un temps convenu pour donner suite ou non et conclure ou non le contrat définitif. Ce type d’avant-contrat est particulièrement utile lorsque l’une des parties veut réfléchir sans craindre des modifications de l’offre, comme pour la promesse de prêt ou la promesse de vente d’un bien immobilier.
Le promettant qui ne donnerait pas suite à la volonté du bénéficiaire de conclure le contrat projeté engagerait sa responsabilité.
Pour pallier le déséquilibre entre l’engagement ferme du promettant et la liberté totale du bénéficiaire, le promettant peut demander à l’autre partie de déposer une « indemnité d’immobilisation », qui est perdue pour elle si le contrat n’est pas conclu.

2. La Promesse synallagmatique de contrat
Dans la promesse synallagmatique de contrat, les deux parties consentent au contrat définitif et à ses conditions. Cet avant-contrat pourrait presque se confondre avec le contrat définitif puisque chacun des cocontractants s’oblige définitivement : le prix, la date d’exécution et les modalités du contrat sont arrêtés. En fait, la promesse synallagmatique intervient lorsque la conclusion du contrat dépend de certaines conditions qui doivent être réalisées (obtention d’un permis de construire, accord de la banque pour un prêt...) ou de certaines formalités (acte authentique, inscription sur un registre, publicité légale...).
L’engagement des parties est ferme et définitif. Seule est admise l’impossibilité de conclure indépendante de leur volonté, notamment la non réalisation de la condition suspensive.

D. La Représentation
1. Les Parties Concernées par la représentation
En principe, toute convention est formée par la rencontre des volontés des parties. Toutefois, il arrive que l’un des cocontractants ne participe pas directement à la conclusion de l’accord. La représentation est le procédé juridique par lequel une personne (le représentant) agit au nom d’une autre personne (le représenté).
Dans la vie des affaires, la représentation résulte souvent d’un mandat. Le mandat, ou procuration, est l’acte juridique par lequel le mandant (le représenté) confie au mandataire (son représentant) le soin de négocier en son nom avec un ou plusieurs tiers. Dès qu’un accord est trouvé, le contrat produit ses effets pour le représenter, comme s’il l’avait conclu lui-même.

2. L’origine du pouvoir du Représentant
Dans certains cas, le représentant tire son pouvoir de la loi. Cela vaut pour les incapables, comme les mineurs non émancipés ou les majeurs en tutelle, dont les intérêts sont défendus sur la scène juridique soit par les parents, soient par le tuteur. Le plus souvent, l’incapacité vise à protéger de son inexpérience ou de ses faiblesses celui pour le compte duquel le représentant passe les contrats ou agit en justice. C’est encore par l’effet de la loi que les dirigeants des sociétés ou autres personnes morales peuvent les représenter ; à défaut de représentation, ces sujets de droit sans consistance physique ne pourraient pas avoir de relations juridiques.
Parfois, la représentation résulte d’un accord entre représenté et représentant. Celui qui confie une mission spécifique à un agent commercial, par exemple, veut profiter du savoir-faire de celui qui agit en son nom : le représenté détermine l’étendue des pouvoirs du représentant.

3. La prise de Qualité du Représentant
En général, les tiers qui concluent un contrat avec le représentant savent que ce dernier négocie au nom d’une personne représentée. On parle de « prise de qualité » du représentant pour indiquer qu’il ne s’engage pas personnellement. La transparence de la situation est indispensable pour que les obligations nées du contrat pèsent sur le représenté. À défaut (on parle alors de représentation imparfaite), seul le représentant est tenu par le contrat.

4. La Volonté de Contracter
Bien qu’il agisse au nom d’un autre, le représentant est celui dont la volonté s’exprime pour conclure avec un tiers. Il n’est pas un porte-parole sans consistance juridique. La volonté des personnes qui passent le contrat doit être parfaite au regard des conditions de validité : un vice du consentement entache donc de nullité l’engagement du représentant et, par conséquent, le contrat tout entier.

2. L’Exécution Des Contrats et Leur Evolution
A. Les Suites Imprévisibles des Contrats
Selon la conception traditionnelle des effets du contrat, il n’est pas admis qu’une partie invoque une évolution du contexte économique et social pour échapper à ses obligations, ou pour les modifier, contre la volonté de l’autre partie. L’incapacité à prévoir les transformations de la société n’excuse pas le débiteur dont l’obligation deviendrait excessivement lourde, pas plus qu’elle ne protège le créancier dont le droit perd une partie de sa valeur. La force obligatoire du contrat ne doit pas être amoindrie par des difficultés d’exécution inenvisageables à l’origine.
Le rejet de l’imprévision comme motif de révision des contrats peut constituer une gêne pour ceux qui s’engagent dans des liens contractuels dont les effets se déroulent sur le long terme (bail de longue durée, emprunt sur plusieurs années, livraisons échelonnées dans le temps...). Certes, la renégociation par les deux parties est toujours possible, mais elle n’est pas facile à mettre en œuvre : l’aggravation de la charge contractuelle pour l’un correspond à une majoration des avantages pour l’autre. Le bénéficiaire de l’évolution du contexte économique risque de rester sourd à la demande de son cocontractant.

B. Les Clauses Préservant les Intérêts du Créancier
1. Les Clauses Préservant la Valeur de l’Obligation
Une clause d’indexation peut être rédigée pour compenser les effets du temps sur un contrat à exécution successive faisant naître une obligation de payer une somme d’argent. Il s’agit d’éviter que l’érosion monétaire liée à l’inflation ne minimise la valeur des sommes dues par l’une des parties. Cette clause prévoit que le montant nominal des sommes à payer varie en fonction d’un indice dont la variation sert de référence. La loi limite cependant les possibilités d’indexation en imposant le choix d’un indice de référence en rapport direct avec l’activité des parties ou avec l’objet du contrat. En effet, une indexation générale serait inflationniste : la mesure de l’inflation se fait au travers de l’indice des prix de détail.
Celui-ci est lui-même impacté par la hausse de divers éléments, dont l’augmentation du prix des matières premières et celle des salaires. Une indexation générale amènerait à alimenter la spirale inflationniste : tous les contrats à exécution successive (les contrats de travail, les prêts, etc.) verraient le montant des sommes à payer augmenter du fait de l’inflation, ce qui entraînerait de l’inflation, ce qui ferait augmenter les sommes à payer, etc.

2. Les Clause de Réserve de Propriété
Lors de la vente d’un bien, si le paiement ne se fait pas au comptant, le vendeur peut insérer une clause de réserve de propriété au contrat. Ainsi, la propriété du bien cédé ne sera-t-elle transférée à l’acheteur qu’après règlement total du prix.
L’avantage de cette clause est manifeste si l’acheteur est confronté à des difficultés de paiement, comme dans le cas d’une entreprise en cessation de paiements : le vendeur impayé pourra réclamer la restitution du bien, dont il est toujours propriétaire. Sa situation est plus confortable que celle des créanciers du débiteur défaillant car il dispose de la faculté de revendiquer un bien qui lui appartient toujours et qui ne pourrait pas être vendu, même en cas de liquidation judiciaire, au profit des créanciers impayés.

C. La restauration de l’équilibre contractuel
Les parties au contrat n’ignorent pas qu’en cas d’inexécution de leur obligation, elles s’exposent à payer des dommages-intérêts au créancier. Plutôt que de laisser le juge déterminer le montant du dédommagement, elles insèrent parfois dans le contrat des clauses destinées à éviter le recours au tribunal. La liberté contractuelle valide ce type de clause, mais le juge est autorisé à l’écarter si la défaillance du débiteur a pour origine une faute intentionnelle ou une faute lourde.

1. Les Clauses limitative exonératoire de responsabilité
La clause limitative fixe un plafond au montant de l’indemnisation du créancier de l’obligation inexécutée ou mal exécutée. Pour le débiteur, l’avantage est de savoir à l’avance à quelle conséquence pécuniaire maximale il s’expose. Pour le créancier, cette clause lui assure que le débiteur ne s’opposera pas à la demande d’indemnité. Pour les deux parties, le dispositif contractuel est une garantie de règlement rapide du litige.
La clause exonératoire de responsabilité, fréquente dans les contrats d’adhésion, est plus avantageuse pour le débiteur : s’il n’exécute pas son obligation, il est délivré des conséquences. Elle crée donc un déséquilibre contractuel qui peut sembler critiquable. Toutefois, le créancier peut accepter cette clause en échange de conditions avantageuses, comme un prix réduit.

2. La Clause pénale
La clause pénale fixe d’avance le montant précis de la réparation due par le débiteur en cas d’inexécution. Elle est donc plus efficace encore que la clause limitative de responsabilité, puisqu’elle empêche toute contestation sur l’importance du préjudice à réparer. Son rôle préventif peut faciliter la conclusion du contrat si le créancier estime que le montant des dommages-intérêts envisagés est raisonnable.

3. L’Inexécution des Contrats
A. La résolution de la résiliation du Contrat
Si les clauses du contrat ne sont pas respectées, le créancier de l’obligation peut faire constater l’inexécution du contrat, soit par son cocontractant, soit par la justice, et demander l’annulation des engagements réciproques : il y a résolution du contrat.
Ici, le contrat instantané dont l’une des parties demande l’annulation a été exécuté (par exemple, une vente dont le prix a été payé mais dont l’objet n’a pas été livré). Annuler ce type de convention revient à remettre les choses en l’état de façon rétroactive, c’est-à- dire à opérer les restitutions, comme si le contrat n’avait jamais existé.
En revanche, si la demande d’annulation concerne un contrat à exécution successive (contrat de travail, contrat d’assurance, bail locatif...), mis en œuvre depuis un certain temps, l’exécution réalisée ne peut pas être restituée à l’autre partie. La seule solution juridique envisageable est l’anéantissement des effets futurs du contrat : on parle de « résiliation du contrat ».

B. La Rupture Contractuelle ou Judiciaire du Contrat
1. La Clause Résolutoire
La clause résolutoire prévoit que l’inexécution du contrat par l’une des parties entraîne automatiquement sa résolution ou sa résiliation. Souvent présente dans les baux, les contrats d’assurance, les contrats d’abonnement à des services (téléphone, Internet...) ou encore les contrats de prêt, elle évite au créancier d’avoir à saisir la justice pour demander l’annulation du contrat. Généralement, la clause résolutoire est prévue par le rédacteur du contrat (le plus souvent, un contrat d’adhésion), lequel est en position de force pour l’imposer à l’autre.

2. La Résolution Judiciaire
En l’absence de clause résolutoire, la partie qui estime que son cocontractant ne respecte pas ses engagements saisit la justice pour obtenir un jugement de résolution ou de résiliation du contrat. Le résultat de cette démarche n’est pas aussi automatique que la mise en œuvre d’une clause résolutoire. En effet, le juge peut accorder des délais de paiement, prononcer une résolution partielle, voire rejeter la demande du créancier, quitte à lui accorder parfois des dommages-intérêts. Le tribunal apprécie ici si l’inexécution est prouvée, si elle est totale ou partielle, voire même si elle est excusable.

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