TH5: Chapitre 11 : La responsabilité du fait des produits défectueux
1 Le domaine de la responsabilité du fait des produits défectueux
A. Le producteur responsable
Pour le Code civil, le responsable du fait des produits défectueux est le producteur. Toutefois, le terme s’entend au sens large. En effet, la loi ne renvoie pas seulement au fabricant du produit, mais également à diverses personnes intervenant dans le processus de production. Certaines d’entre elles sont assimilées par la loi au producteur stricto sensu : celui qui vend le produit sous sa marque ou sous son nom, celui qui l’importe en Europe et, si le producteur ne peut pas être identifié, le vendeur, le loueur ou tout autre fournisseur professionnel.D’autres personnes sont tenues à cette responsabilité : celles qui produisent une matière première ou un composant entrant dans la fabrication du produit. En résumé, la responsabilité pèse sur tous les professionnels ayant concouru à mettre le produit défectueux sur le marché. Cependant, le vendeur ou le loueur désirant se libérer peuvent user d’une voie prévue par les textes : communiquer à la victime l’identité du fabricant.
B. Le produit défectueux
Le terme « produit » désigne généralement un bien issu du processus de transformation de la matière. Ici, l’acception du mot est beaucoup plus large : le produit peut être un bien de consommation, un bien d’équipement – y compris professionnel –, un produit agricole, de l’électricité, un médicament, un produit issu du corps humain comme le sang ou le plasma, etc.La défectuosité du produit s’entend d’un défaut dangereux, défini par référence à tous les cas dans lesquels le produit ne présente pas « la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ». La formule légale invite à considérer objectivement le défaut : celui-ci consiste parfois dans une conception dangereuse du produit (absence d’un élément essentiel de sécurité dans une machine, défaut de notice pour un médicament) ; dans d’autres cas, la conception est irréprochable, mais les matériaux ou composants utilisés rendent le produit dangereux (un jouet réalisé dans un tissu inflammable, un pare-brise de voiture en verre cassable).
En tout état de cause, la responsabilité du producteur est objective et n’est donc pas fondée sur l’idée d’une origine fautive de la défectuosité du produit. Cette approche est réaliste dans un monde industriel où les professionnels qui interviennent pour fabriquer et distribuer un produit sont souvent nombreux. Il est difficile d’établir alors quelle faute peut expliquer le défaut de sécurité du bien mis sur le marché.
C. Les Victimes
Le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux protège toutes les victimes : consommateurs comme professionnels. Dans le cas d’achat du bien, il ne vise pas à protéger un type de client particulier. Il existe toutefois une différence entre client professionnel et client consommateur. Le contrat de vente entre professionnels peut en effet valablement comporter une clause limitative de responsabilité, alors que cette clause serait nulle dans le contrat de vente avec un particulier.Si ce traitement est favorable aux consommateurs, il faut cependant relever qu’une clause limitative de responsabilité dans un contrat entre professionnels ne peut concerner que les suites de la défectuosité atteignant des biens à caractère professionnel ; restent donc soumis au régime des articles 1386-1 et suivants du Code civil les autres préjudices subis par le professionnel (atteinte aux biens de consommation, par exemple).
2 La mise en œuvre de la responsabilité
A. Dommage, fait générateur et lien de causalité
Au plan des dommages, la défectuosité du produit n’entraîne pas l’obligation de réparer les défauts du produit lui- même. Il existe d’autres moyens juridiques pour cela, en particulier la garantie des vices cachés. Cette responsabilité ne présente donc pas d’intérêt pour se faire rembourser le bien. Seuls sont couverts les dommages issus de la dangerosité du produit et affectant les personnes ou les biens. Pour ces derniers, la loi précise cependant que le préjudice subi doit dépasser 500 euros. Même si le bien défectueux a peu de valeur, la victime peut être indemnisée en cas de dégâts importants causés par le produit dangereux (explosion ou incendie, par exemple).Les autres dommages sont retenus : le dommage corporel (blessures, décès), le dommage économique (perte, manque à gagner), le dommage moral (atteinte aux sentiments d’affection, pretium doloris, préjudice d’agrément).
B. La relation entre producteurs et victimes
L’objectif du législateur était de généraliser l’obligation de sécurité du producteur ; il fallait penser à tous les utilisateurs potentiels du bien mis sur le marché. Aussi, les textes prévoient-ils que cette responsabilité puisse être invoquée indifféremment par le cocontractant (acheteur ou locataire) et par toute personne concernée par la défectuosité dangereuse du produit (celui qui a reçu le bien en cadeau, celui à qui il a été prêté, etc.).Le même fait peut donc fonder deux types d’actions en responsabilité, selon la victime qui l’invoque. On peut dire que, d’une façon originale, la responsabilité du fait des produits défectueux transcende la distinction classique entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle puisqu’elle relève de l’une comme de l’autre. C’est là la marque d’un droit moderne, qui préfère ignorer d’anciennes références pour servir efficacement l’objectif de sécurisation des personnes.
C. La disparition de la responsabilité
À côté de causes évidentes d’exonération de responsabilité, le droit admet des causes spécifiques de disparition de la responsabilité du producteur. Ainsi, si le producteur n’a pas mis lui-même le produit en circulation (si le produit a été volé, par exemple), si le défaut du produit est né postérieurement à sa mise en circulation sur le marché ou encore si le produit n’était pas destiné à être vendu ou distribué (par exemple, lorsque le producteur n’a ni fabriqué ni cédé le produit dans le cadre de son activité professionnelle), le producteur ne peut être tenu pour responsable d’une éventuelle défectuosité du produit.Autre hypothèse – originale – d’exonération de responsabilité : l’état des techniques ne permettait pas de déceler le défaut du produit au moment où il a été mis sur le marché. On parle d’« exonération pour risque de développement ». Mettre en vente un produit nouveau comporte souvent des risques : la règle retenue par le Code civil est qu’on ne peut pas être tenu pour responsable des dangers d’utilisation que l’on ne pouvait ni prévoir ni prévenir du fait de l’insuffisance des connaissances techniques ou scientifiques. Il revient au producteur de prouver qu’au moment où le produit a été mis sur le marché, les informations techniques et scientifiques disponibles ne lui permettaient pas de prévenir une défectuosité dangereuse.
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